Le titre de l’un de ses poèmes, “Le poète malheureux”, ressemble à celui d’une chanson de Claude François, et sa mort est tout aussi tragique que celle du chanteur “mal-aimé”…
Nicolas Gilbert (1750-80), ou l'”enfant poète” de Fontenoy-le-Château (Vosges), précurseur du mouvement romantique, est connu aujourd’hui pour avoir été un “poète malheureux”, sur lui s’est construit toute une légende de poète “maudit”, orphelin, pauvre et rejeté par ses pairs.
Si son destin tragique participe à cette “légende”, celle-ci fut fortement entretenue par des personnes intéressées(1) qui récupèrent son talent et sa dramatique fin de vie à des fins politiques…
Précoce, Nicolas Gilbert écrit ses premiers vers à l’adolescence. Les salons littéraires nancéiens lui ouvrent grand leurs portes alors qu’il n’a que 20 ans.
Il y déclame avec force sa poésie mais ne parvient pas à se faire reconnaitre des institutions académiques où les dés sont pipés (déjà à l’époque…) d’où son poème (2) :
“Au banquet de la vie, infortuné convive,
J’apparus un jour et je meurs,
Je meurs et sur ma tombe où lentement j’arrive,
Nul ne viendra verser des pleurs.” (pas gai)
Rejeté par les encyclopédistes pour son coté dévot, et prenant ses échecs comme des humiliations personnelles, il se met à détester les philosophes, choisit la satyre pour les railler et entre dans le clan des anti-encyclopédistes.
Son sens exceptionnel de la satyre est récupéré par l’archevêque de Paris qui le prend alors sous son son aile protectrice, lui sont alors octroyées de confortables pensions de l’église et du roi Louis XVI (donc pas si pauvre notre Gilbert).
Son destin va s’avérer tragique à la suite d’un accident de cheval après lequel il est trépané. Devenu “fou” selon les termes de l’époque, il avale la clef de sa chambre dans un accès de folie, il en meurt étouffé huit jours à 5 semaine plus tard.
Une statue à son effigie de la sculptrice Marie-Clémentine de Rochechouart fut élevée sur la place de Fontenoy en 1898, elle fut déboulonnée par les allemands en 1943 pour être coulée et transformée en canon nazi…
(1) le roi, le clergé, le parlement, la légende est aussi entretenue au XIXe siècle…
(2) “Ode IX” 1780
Article PFDebert d’après Le poète Gilbert au banquet de la vie de Bernard Visse, édition Gérard Louis 1994.