Imaginez un carrosse quittant Paris à brides abattues dans la nuit noire…
Vous apercevez furtivement, derrière la vitre de la portière, une silhouette voutée et perruquée brinquebalant d’avant en arrière… Cet équipage digne d’un film d’horreur transporte Voltaire mort-vivant…
Explications sur la mort de Voltaire :
Après une vie trépidante et bien remplie, Voltaire s’éteint d’une mort atroce qui le prend comme au dépourvu à Paris, où il est venu savourer le triomphe de sa dernière tragédie Irène.
En mai 1778, acclamé par une foule en délire et auréolé par la gloire, le vieux philosophe de 83 ans (très malade) se croit à ce moment “juste” éternel, mais la Grande faucheuse qui le guette va bien se moquer de lui…
Cette mort “impromptue” déjoue les plans de l'”Idole du peuple” car Voltaire veut être enterré à Ferney, son village d’adoption, où il a fait élever un tombeau digne d’un roi.
Personne dans la capitale (et surtout pas l’Église) ne veut de son encombrant cadavre, lequel, autopsié et vidé de son cœur et de son cerveau, est embaumé dans la précipitation.
Ré-attifé de sa robe de chambre, poudré et perruqué par son neveu l’abbé Mignot, la momie de Voltaire est donc ligotée à la banquette d’un carrosse pour être acheminée dans l’urgence et le plus grand secret à l’abbaye de Sellières, où quelques moines ont accepté, contre l’avis de l’évêque de Troyes, de l’enterrer dignement.
Voltaire, mort vivant part donc, pour l’un de ses derniers voyages, échappant ainsi, et de peu, à son pire cauchemar, la fosse commune.
Mais l’histoire de la mort de Voltaire ne s’arrête pas là. Treize ans plus tard, en 1791, l’abbaye de Sellières est vendue comme bien communal, les reliques de Voltaire attisent alors les convoitises et c’est l’assemblée qui décide cette fois-ci de faire revenir les “pieux” restes à Paris pour les déposer au Panthéon.
On parle alors de la “translation” du corps de Voltaire. Le mot translation n’étant utilisé que pour les saints ou les saintes reliques…
La “sainte” dépouille, donc (qui a déjà perdu son cœur, son cerveau et désormais un pied et deux dents) est déposée au sommet d’un cortège funèbre attelé de quatre chevaux blancs caparaçonnés de violet. Elle mettra deux mois avant d’arriver à Paris provoquant sur son passage une hystérie collective !
La dalle du tombeau de Voltaire déplacée de Sellière à Romilly-sur-Seine, est classée en 2014 en monument historique.
Le cœur de Voltaire, déplacé à Ferney, puis offert à Napoléon III sera offert à la bibliothèque nationale de France où il a été retrouvé en 2010 d’une façon fortuite. Le déplacement de la statue, dans lequel le cœur était scellé, provoque à l’époque une réaction inattendue et une forte odeur se dégageant de la statue mobilise une équipe de scientifiques qui redécouvre le coffret contenant le fameux cœur.
Un métatarse du pied de Voltaire serait conservé au musée de Troyes.
Le cerveau, gardé pieusement dans la famille du pharmacien ayant fait l’autopsie du corps, est offert à la comédie française en 1924, mais il a depuis disparu.
Quand aux restes censés reposer dans la sépulture du Panthéon, ils sont profanés en 1814 et jetés dans de la chaux vive…
Article ©Pascale Fourtier-Debert
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