Madame de Graffigny (alias La Bonne Grosse) a quitté sa chère Lorraine en 1738, chassée par l’arrivée du roi Stanislas.
Réfugiée à Paris où ses plans d’hébergement s’effondrent les uns après les autres, elle pose enfin « ses ballots » en 1742 dans un appartement « à son goût », rue Sainte-Hyacinthe, « tirant le diable par la queue » mais continuant courageusement d’écrire son futur roman (Lettres d’une Péruvienne).
Elle poursuit sa longue traversée du désert sans jamais « être battüe de l’oiseau » (être découragée), alternant entre déprimes, « C’est être morte que de vivre comme je suis », et euphories « je me porte comme le Pont-Neuf » (pont reconstruit en 1718).
En 1749, elle voie enfin le bout du tunnel, son roman est édité et c’est un succès, elle s’octroie alors pour la première fois des vacances dans une maison de campagne à Choisy et part avec sa nièce Minette (future madame Helvétius).
La Bonne Grosse raconte dans ses lettres à son ami Panpan son voyage rocambolesque :
« A force de payer cher, voila un carrosse et nous partons gaiement avec très peu de bagage et beaucoup d’embarras de chien, de chat et d’oiseaux (deux serins).
Qui a cru que nous devions arriver comme des honnêtes gens ? Point du tout ! Nous sommes arrivés à pied, comme mauvais train.
A un bon quart de lieu du gite, je sens chanceler le carrosse, je vois tomber le cocher, je vois partir les chevaux légèrement avec le train de devant, j’entends crier mon laquais, tout cela en un clin d’oeil, et je ne me suis presque pas aperçue que je tombais moi-même.
C’est mon laquais qui me l’a appris en me demandant si je n’étais point blessée. Le pauvre diable l’est beaucoup, lui, la roue lui a donné dans les cotes. Je ne sais ce qu’il en est, car il est retourné a Paris.
Revenons à notre culbute : nous voila tirée du carrosse et voyageant sur le grand chemin, chacune portant son chat, sa cage, son paquet.
Nous étions tremblantes, Dieu sait !
Encore passe, si on n’était pas moquées, mais nous rencontrons une charretée de poniffes (prostituées) qui nous font de grands éclats de rire au nez en faisant l’énumération de ce que nous portions… »
Article PFDebert 2020
La suite au prochain épisode !