Enquête sur une mystérieuse poétesse élevée à la cour de Stanislas, auteure d’un ouvrage très apprécié de poésie et de prose et tombée dans la trappe de l’histoire…
Son ouvrage est édité en 1777 sous le titre de :
MELANGES DE POESIE
ET DE PROSE,
PAR MADAME
LA COMTESSE DE VIDAMP…
Première hypothèse :
Après une enquête sur la famille de Cardon de Vidampierre, il s’avère que la mystérieuse inconnue se nommait probablement Marguerite Floquet, fille du maître d’hôtel du roi de Pologne, mariée à Jean-Joseph-Antoine de Cardon de Vidampierre, fils de Jean-Philippe de Cardon, Gouverneur des trois princes de Lorraine et seigneur de Vandeléville (où il avait fait construire son château en 1723, voir article Vandeléville.
Deuxième hypothèse moins probable :
Mais cette mystérieuse inconnue pourrait être aussi Anne-Marguerite de Cardon de Vidampierre (née le 10 mars 1718 à Lunéville et décédée en 1778 à 60 ans), fille de Jean-Philippe de Cardon de Vidampierre et de Françoise Gabrielle-Eugénie Capisuchy Bologne.
Dame d’honneur de la duchesse de Lorraine, elle aurait gardé son titre de comtesse de Vidampierre après son mariage avec Joseph-Jean-François-Alexandre de Rosière (difficile à suivre, j’avoue).
Ces deux femmes sont dans les deux cas nées à la cour de Stanislas.
Cette poètesse et femme de lettres lorraine, est l’amie de Voltaire et du comte de Tressan, et elle tenait absolument à garder son anonymat, pour cette raison il est difficile de retrouver son nom, car elle n’est jamais citée autrement que sous le nom de « comtesse de Vidamp… »
L’écriture semble être pour elle un exutoire lui permettant de soulager ses angoisses concernant la faillite de sa famille.
On dit aussi que la comtesse de Vidampierre est la nièce de la célèbre mathématicienne Emilie du Châtelet, mais de très loin, et du coté de la femme de Jean-phillipe Cardon, Françoise-Gabrielle-Eugénie Capisuchy Bologne.
Sa poésie sur ses enfants est remarquable et tout à fait novatrice pour l’époque, elle y décrit l’éducation qu’elle donne à ses enfants dont elle est très proche, et en cela elle rejoint les théories sur l’éducation de J-J Rousseau.
Voici quelques extraits de son ouvrage paru en 1777 à Londres (à lire aussi ici)
Extrait de la préface de son livre par l’éditeur
…
Parmi ces Héroïnes, il en est une
dont quelques gens de goût connaissent
un Essai sur le beau, Ouvrage plein
d’idées neuves & d’observations fines,
& destiné à faire époque dans l’histoire
de la Littérature, si son Auteur moins timide,
osait se mettre à sa place
(il m’est défendu de prononcer
ici le nom de cette femme respectable)
Quant au petit nombre de productions
ingénieuses qui forment ces mélanges,
on a été obligé de les arracher à
la modestie d’une femme pleine de talents,
qui dans le sein d’une retraite profonde,
se console des revers de fortune
qu’elle a essuyés, en cultivant les
Lettres & en élevant ses enfants
pour la Patrie.
MELANGES DE POESIE
ET DE PROSE,
PAR MADAME
LA COMTESSE DE VIDAMP…
Les baisers de la Nature
Dans la douleur et dans les larmes
Je venais de passer la nuit;
Mes fils devinent mes alarmes:
Près de moi l’amour les conduit.
L’ainé, que l’âge rend timide,
Avec respect baise ma main;
Mon front flétri par le chagrin,
De son frère plus intrépide
Reçoit un baiser enfantin;
Et ma fille, qui vient de naître,
Gravissant sur mon traversin,
Au-dessous d’un voile de lin,
Que sa bouche fait disparaître,
Imprime un baiser sur mon sein.
Quelle scène pour une mère!
Et quel instant pour le pinceau!
Dans ses ballets de caractère,
Jamais l’ingénieux Noverre
Ne dessina pareil tableau.
Dès lors mon esprit se rassure;
Je sens un baume à ma blessure;
Et baisant mon fils à son tour,
Je vois que, dans une âme pure,
Les doux baisers de la nature
Valent mieux que ceux de l’amour.
A mes enfants
De nos malheurs, mes fils, j’ai tracé le tableau :
En vain depuis dix ans, j’en veux tarir la source,
Ils me suivront jusqu’au tombeau,
Et sans Dieu qui nous reste, ils seraient sans ressource.
Vous qui savez suspendre mes douleurs,
De qui j’attends le peu de fleurs
Que le temps répandra sur l’hyver de mon âge,
Inſortunés Enſants, quel est votre partage !
Vos vertus, dont tout m’offre une riante image,
Vainement au bonheur vous ont donné des droits ;
Vainement vos ayeux ont élevé les Rois :
Les besoins & les maux seront votre héritage ;
Mais s’il vous reste du courage,
Si malgré vos revers, vos âmes sont à vous,
Si vos loisirs sont les loisirs du Sage,
Votre infortune encore peut ſaire des jaloux.
Bonjour,
Autant autrice est un mot plutôt laid autant poétesse est un beau substantif. Une poétesse : puisque le mot est attesté depuis longtemps pourquoi ne pas l’utiliser ?
https://www.cnrtl.fr/definition/po%C3%A9tesse
“− P. iron. ou péj. Nous avons connu (…) la poétesse républicaine, la poétesse de l’avenir, fouriériste ou saint-simonienne; et nos yeux, amoureux du beau, n’ont jamais pu s’accoutumer (…) à tous ces sacrilèges, pastiches de l’esprit mâle (Baudel.,Art romant., M. Desbordes-Valmore, 1861, p.534).”
Tout à fait juste, je vais l’utiliser, merci !
Je pencherais pour la première hypothèse. Jean Philippe, était conseiller d’État du duc Léopold, premier gentilhomme de la chambre des princes, ses fils, ci-devant colonel d’infanterie au service du roi. La terre de Vandeléville fut érigée en comté, par lettres patentes du 15 décembre 1723, avec attribution des armes de la maison de Cardon-Vidampierre ce qui pemit à Jean-Philippe, l’ainé de prendre le titre de comte de Cardon-Vidampierre. Son épouse serait donc la poetesse et non sa belle soeur née Cardon, le titre n’étant pas de courtoisie.
Bonjour et merci pour votre éclairage, je penchais aussi pour Marguerite Floquet ! Bien à vous. Pascale