En 1750, la “sophimania” s’empare de Paris

Sophie Arnould est un « phénomène artistique » qui toucha pendant 20 ans l’âme et le cœur des Parisien.nes.
Déesse de l’amour, sur scène mais également dans la vie, la chanteuse lyrique était aussi dotée d’un esprit fulgurant et cynique, et elle ouvrit son salon à tous les philosophes et les encyclopédistes de la deuxième moitié du XVIIIe siècle.

La vie de Sophie est un roman :
Née en 1740 dans une famille bourgeoise, Sophie devient rapidement la mascotte de la princesse de Conti qui a repéré son esprit, et sa voix de soprano. La fillette n’a pas 10 ans lorsqu’elle est présentée à la Reine, Marie Lescsynska, et tous les courtisans s’arrachent, et veulent dans leur salon la petite virtuose.
La Pompadour n’est pas en reste, et lui promet le plus bel avenir possible.
Il faut dire que Sophie, non seulement chante « comme un ange », mais elle a aussi déjà beaucoup d’esprit qu’elle doit à une éducation très poussée.
Voltaire, lui aussi « gaga » de ce petit prodige, lui écrira une épitre en vers.

Le destin de Sophie, scellé sous d’excellents auspices, ne sera qu’une suite d’évènements favorables qui la couvriront de gloire et d’argent.
Son apparition, à l’âge de 17 ans, sur les planches de l’opéra lyrique, déclenche un engouement hors de contrôle. Les salles de spectacle sont pleines à craquer, on réserve les jeudis de Sophie.

Sophie chante et bouleverse les âmes.
« Je doute que l’on se donne autant de peine pour entrer au Paradis » dira Fréron.
La chanteuse soprano excelle dans le tragique et fascine le tout Paris.

Dorval (en réalité le comte de Lauraguais), l’enlève de façon rocambolesque, pour l’installer dans un fastueux Palais. Les deux amants se ressemblent et vivent leur tumultueuse idylle pendant plus de 10 ans, tout en restant libre chacun de leur côté. (Le comte reconnait les trois enfants de Sophie.)
Son succès la galvanisant, la cantatrice acquiert une aisance et une liberté jamais égalée. Son sens de la répartie et ses « bons mots » font rire toute la capitale.

La Reine de l’Opéra règne sur les âmes et sur les cœurs pendant 20 ans.

Ensuite, eh bien, c’est la dégringolade.
Boudée par le public qui découvre de nouvelles actrices, Sophie entame sa traversée du désert et se réfugie dans le monastère de Luzarches, qu’elle achète à la Révolution ne manquant pas en passant d’y inscrire sur la porte « La messe est dite. »
Privée de sa pension de comédienne octroyée par l’ancien régime, seule dans son “Paraclet”, elle cultive son jardin, tel Candide…
Puis insensiblement, l’actrice semble passer du Paradis, à l’Enfer.
Elle sollicite la nouvelle gouvernance pour toucher de quoi subsister en écrivant : « Je chantais, ne vous déplaise. »
Ce n’est qu’à la toute fin de sa vie, que le ministre François de Neufchâteau daigne lui accorder de quoi survivre.
En 1801, dépossédée de tous ses biens, Sophie Arnould revient à Paris, dans un modeste appartement dans lequel, atteinte d’un cancer du rectum, elle meurt à 62 ans, dans d’atroces souffrances.
Ayant gardé son esprit gouailleur jusqu’à sa mort, Sophie, entourée de savants médecins examinant son siège, dira :
« Faut-il que je paye maintenant pour faire voir cette chose, tandis qu’autrefois… »

Article © PFDebert fevrier 2021
PS : Ses bons mots sont édités dans l’Arnoldiana.

Greuze, Jean-Baptiste; Sophie Arnould ; The Wallace Collection; http://www.artuk.org/artworks/sophie-arnould-209437

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Titre :  Psiché Mlle Arnould : [maquette de costume] / [Louis-René Boquet]
Auteur  :  Boquet, Louis-René (1717-1814). Dessinateur du modèle
©BnF
Sophie se fait construire, par son amant et architecte Bélanger, une maison située sur la Chaussée d’Antin, sur le modèle de celle de Mlle Guimard, actrice elle aussi.
Comte de Lauraguais, comte de Brancas par Carmontelle
Hôtel de Lassay, (dit aussi de Bourbon),
propriété du comte de Lauraguais (via sa femme)
(actuelle résidence du Président de l’Assemblée nationale).
Silvie Mlle Arnould : [maquette de costume] / [Louis-René Boquet]
Auteur  :  Boquet, Louis-René (1717-1814). Dessinateur du modèle
©BnF
Dessin de Gabriel de Saint-Aubin représentant Sophie Arnould.
Légende : En voyant ce dessin, Mlle Arnould me dit, votre frère n’a point de dents, il fait plus de croutes qu’il n’en mange.”
Monastère de Luzarches
Le “Paraclet” de Sophie
La jeune fille à la cruche cassée de Greuze
est dédiée à Sophie Arnould.
Alexandrine de Brancas,
fille de Sophie et du comte de Lauraguais

2 Replies to “En 1750, la “sophimania” s’empare de Paris”

  1. Nous faisons un spectacle dont Sophie Arnould fait partie. Chaque fois c’est un bonheur de la faire revivre.

    1. Cher Monsieur, Merci pour votre commentaire, vous pouvez mettre les informations concernant ce spectacle, je vais re-poster cet article.
      J’ai découvert Sophie lors de mes recherches et études sur Diderot, elle mérite absolument que l’on parle de nouveau d’elle !
      Bien amicalement
      Pascale

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