Ce poème (qui suit) de Voltaire peut aussi consoler les enfants victimes de harcèlement.
Vers 1730, lorsque la marquise du châtelet fait son entrée à la cour de France, après voir donné deux robustes enfants à son mari, elle oublie pendant un temps les mathématiques et l’étude pour se consacrer entièrement à la vie de cour.
Entière et passionnée, elle s’extasie sur tout ce qu’il l’entoure, respectant à la lettre l’étiquette et se couvrant de diamants et de maquillage.
Rapidement, la jeune femme de 25 ans se prend au jeu des courtisans comme un papillon dans les mailles d’un filet.
On s’amuse de sa naïveté, de sa fraîcheur et on la pousse dans les bras d’un amant dont elle s ’éprend plus que de raison, le beau comte de Guébriand.
Mais les sentiments sont jugés ridicules à la cour.
Pour obtenir des pensions du roi, les précieuses et les précieux agissent sous leur maquillage et leur perruque comme des automates froids et calculateurs.
On rit sous cape des excès de la marquise. On la ridiculise. On la calomnie. Avoir de l’esprit à la cour, c’est se moquer.
La brillante scientifique, surnommée la “fée Vérité” par Diderot, est quant à elle incapable de colporter potin ou méchanceté.
Voltaire, tombé, en 1732, sous le charme de la marquise, active le génie de sa plume pour consoler la divine Emilie :
Écoutez-moi, respectable Emilie :
Vous êtes belle ; ainsi donc la moitié
Du genre humain sera votre ennemie :
Vous possédez un sublime génie ;
On vous craindra : votre tendre amitié
Est confiante ; et vous serez trahie :
Votre vertu, dans sa démarche unie,
Simple et sans fard, n’a point sacrifié
À nos dévots ; craignez la calomnie :
Attendez-vous, s’il vous plaît, dans la vie
Aux traits malins que tout fat à la cour
Par passe-temps souffre et rend tour à tour.
La Médisance est la fille immortelle
De l’Amour-propre et de l’Oisiveté.
Ce monstre ailé paraît mâle et femelle,
Toujours parlant, et toujours écouté.
Amusement et fléau de ce monde,
Elle y préside, et sa vertu féconde
Du plus stupide échauffe les propos :
Rebut du sage, elle est l’esprit des sots ;
En ricanant cette maigre furie
Va de sa langue épandre les venins
Sur tous états.
Mais trois sortes d’humains,
Plus que le reste aliments de l’envie,
Sont exposés à sa dent de harpie ;
Les beaux esprits, les belles, et les grands,
Sont de ses traits les objets différents.
Quiconque en France avec éclat attire
L’œil du public est sûr de la satire :
Un bon couplet, chez ce peuple falot,
De tout mérite est l’infaillible lot.
[…]
Là, tous les soirs, la troupe vagabonde
D’un peuple oisif, appelé le beau monde,
Va promener de réduit en réduit
L’inquiétude et l’ennui qui la suit.
Là sont en foule antiques mijaurées,
Jeunes oisons, et bégueules titrées,
Disant des riens d’un ton de perroquet,
Lorgnant des sols, et trichant au piquet.
Blondins y sont, beaucoup plus femmes qu’elles
Profondément remplis de bagatelles,
D’un air hautain, d’une bruyante voix
Chantant, dansant, minaudant à la fois.
Si par hasard quelque personne honnête,
D’un sens plus droit et d’un goût plus heureux
Des bons écrits ayant meublé sa tête,
Leur fait l’affront de penser à leurs yeux ;
Tout aussitôt leur brillante cohue,
D’étonnement et de colère émue,
Bruyant essaim de frelons envieux,
Pique et poursuit cette abeille charmante
Qui leur apporte, hélas ! trop imprudente,
Ce miel si pur et si peu fait pour eux.
l’esprit de Voltaire et la langue du 18eme!!! un régal!!!