Visite de la maison dans laquelle Diderot se fit “dévorer” par des punaises de lit (ou des puces ?)

Du 27 juillet au 17 août 1759, Diderot est à Langres, où il règle, avec son frère et sa sœur, la succession de son père.
Le 17 août au matin, les chevaux tirant la « chaise » de Diderot, au dos de laquelle s’empilent ses malles et ses caisses, s’engagent sur la route bordant la Marne. Ce cours d’eau le mènera jusqu’à Isles-sur-Marne puis Paris.
Le Philosophe a prévu de faire escale dans les relais et les auberges. Il s’émerveille du chemin ponctué de villages (Brethenay, Provenchères, Vignory…) et de paysages baignés par la Marne, sa fidèle compagne.

Après avoir parcouru douze lieues (60 km), Diderot écrit à Sophie Volland :
« Guémont, le 17 août 1759
Je n’ai jamais fait une si belle route ; elle est fatigante pour les voitures ; il faut sans cesse descendre ou monter ; mais elle est bien agréable pour le voyageur. Me voilà à Guémont, c’est de là que je vous écris avec la plume du curé tout ce qui me passe par la tête. »

Auberge fin XVIIIe s.

L’auberge dans laquelle Diderot a passé la nuit du 17 au 18 août 1759 est l’une des premières maisons du village, à gauche. A son arrivée, ses chevaux sont conduits dans l’écurie attenante où ils trouvent du foin dans la mangeoire.

Au troisième gond du gros heurtoir de fer, la porte s’ouvre sur deux femmes vêtues de robes simples et sans apparat. Leur silhouettes sombres se dessinent sur un long couloir central et traversant.
Elles invitent Diderot et ses domestiques à ouvrir la première porte à droite.

Les trois hommes entrent alors dans une pièce assez sombre où les voyageurs peuvent s’attabler près d’une immense cheminée. Le feu, ce soir là, n’y crépite pas, on est au mois d’août…
La table est mise, et le souper est servi par les deux aubergistes.

L’arrivée à l’auberge


La cuisine et son énorme cheminée se trouve derrière cette pièce et donne sur le jardin et le pigeonnier.
Après s’être « substanté », le Philosophe remercie ses hôtesses et monte dans sa chambre à l’étage : « deuxième porte à droite du corridor central » :
« Il est à peu près dix heures du soir ; mes draps sont mis ; on me les a promis blancs. Ces gens-là ne me tromperont pas. Je dormirai donc tout à l’heure. »

Cheminée de la cuisine
Pigeonnier


Muni d’une chandelle, il ouvre la porte indiquée par l’une des aubergistes, et monte un étroit escalier dont il distingue à peine les grossières marches de bois dans la faible lueur de sa bougie.


Arrivé dans une sorte de grenier-sellier bordé par une cloison à sa gauche. Le philosophe ne s’attarde pas dans ce noir complet et pousse la première porte qui se découpe dans la cloison. Une deuxième et une troisième porte desservent les chambres de ses domestiques.


Sa chambre, petite, est meublée très simplement : un lit, un bureau, une chaise, une cheminée. Le parquet, moins grossier que dans le sellier, y est correct.

L’écrivain s’installe aussitôt au bureau pour écrire à « sa » Sophie. N’ayant trouvé ni papier, ni encre ni plume dans l’auberge, Il prend la plume que le curé du village lui a prêtée :
«  Ô l’heureux pays où il n’y a ni plume, ni encre, ni papier, que ce qu’il en faut au curé pour inscrire les noms des enfants qu’on y fait ! Je suis à douze lieues de Langres, dans un village où c’est à la complaisance du pasteur que je dois le plaisir de causer avec ma Sophie. Jamais amant peut-être ne s’est trouvé ici ; jamais du moins un aussi tendre. Le saint homme qui m’a prêté le seul tronçon de plume qu’il ait me croit occupé de quelque grande affaire, et n’a-t-il pas raison ? Quelle affaire plus grande pour moi que de vous apprendre que je revole vers vous avec une joie dont l’excès ne peut se comparer qu’à la peine que j’eus à vous quitter ? Je vous reverrai donc ! mais encore un mot de ce curé, dont j’emploie, à vous dire que je vous aime à la folie, la même plume qui griffonne les prônes où il damnait ses pauvres idiots, pour avoir écouté leur cœur qui les prêchait bien mieux que lui. »

Le matin vers 5h, Diderot, secoue ses domestiques pour reprendre la route. Il a passé une très mauvaise nuit, dévoré par, ce qui pourraient bien être, des punaises de lit.
Il n’a pas envie de s’attarder et ne voit pas depuis sa fenêtre, le petit bras de la Marne, sa fidèle compagne, qui coule au pied de la maison.

« Saint-Dizier, 19 août 1759.
Me voilà hors de ce village appelé Guémont. Je n’y ai pas fermé l’œil ; des bêtes, je ne sais quelles, m’ont mangé toute la nuit ; nous en sommes sortis à six heures, pas plus tôt. Les domestiques font à peu près avec moi ce qu’ils veulent. Nous avons fait nos quatre lieues et rafraîchi. Chemin faisant, nous avons laissé Joinville sur notre gauche ; elle est perchée sur un rocher dont la Marne arrose le pied, et fait un fort bel effet. C’est une bonne compagnie que cette rivière ; vous la perdez ; vous la retrouverez pour la perdre encore, et toujours elle vous plaît ; vous marchez entre elle et les plus beaux coteaux. »

Toiles d’araignée datant probablement de Diderot
Auberge au XIXe s.

3 Replies to “Visite de la maison dans laquelle Diderot se fit “dévorer” par des punaises de lit (ou des puces ?)”

  1. Bravo Pascale !
    Un retour en arrière de près de 3 siècles.
    On s’y croirait !

    1. Merci Claire ! C’est du vécu !
      Ps la maison est à vendre…

  2. Jacqueline Michel dit : Répondre

    Je confirme
    Jacqueline Michel

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