Nicolas Jennesson, un grand architecte lorrain

Jardin rue Montesquieu, mine de plomb © PFD 2024


Le nancéien Nicolas Jennesson (1686-1755) est l’architecte qui a le plus bâti à Nancy au XVIIIe siècle.
Issu d’une dynastie de maîtres maçons/architectes, il a élevé dans sa ville natale des maisons, des casernes, des fontaines, des églises, des palais, il y a pavé des rues.
Une toute petite rue de Nancy porte son nom, mais celle-ci reste anecdotique car elle se termine en “sentier”.
Alors, comment mieux faire l’éloge de cet illustre architecte des ducs de Lorraine, architecte et premier ingénieur du roi de Pologne, que cet article (à lire à la suite de celui-ci) rédigé le 05 janvier 1914 dans L’Est républicain : quotidien régional, à l’occasion du transfert des cendres du « grand homme » qui fut célébré en 1917 dans l’une de ses plus belles réalisations : l’église Saint-Sébastien.

Portail d’un immeuble nancéien situé 10 rue des Tiercelins © Limédia Galeries

Jean Nicolas JENNESSON (Jean IIIe) (1685-1755) est issu d’une dynastie d’architectes lorrains.
JENESSON OU JENNESSON (Jean Ier), dix-septième siècle, maître maçon à Nancy, a un fils né et baptisé le 7 février 1646 (…) JENNESSON (Jean II), dix-septième et dix-huitième siècles, architecte, fils de Jean Ier, né à Nancy le 7 février 1646, fut nommé architecte de sa ville natale, construisit une partie des fortifications.


Zoom sur l’hôtel particulier de Nicolas Jennesson, rue Montesquieu, rare pépite du patrimoine nancéien qui a résisté au temps. Le jardin abrite toujours un hêtre pourpre, arbre remarquable, planté à l’époque de la maison (1731), un nymphée, des fontaines ornées de statues et une magnifique montée d’escaliers sculptée de bas-reliefs.

Grilles sur la rue Montesquieu, propriété privée © PFD 2024
Projet du portail de l’immeuble au 12 de la rue Montesquieu à Nancy construit par Jean Nicolas Jennesson vers 1730.
Dessin au crayon graphite, encre brune et sanguine sur papier vergé. © Limédia Galeries
Portail rue Montesquieu, propriété privée © PFD 2024


Extrait de l’article de L’Est républicain du 5 janvier 1914 :
Le très bel hôtel hôtel particulier « que Jennesson se fit construire dans la rue Montesquieu, fut ensuite la propriété de la famille Bernard de Jandin. Cet hôtel a été édifié en 1731 avec les matériaux non utilisés dans l’édification de Saint-Sébastien.
Au bas de l’escalier de la cave, on y lit encore cette inscription : ”Le. Sieur Jean-Nicolas Jennesson, architecte des bâtiments de S. A. R. Léopold, prince de gracieuse mémoire, et de son fils François III régnant, et demoiselle Jeanne Martin, son épouse, ont faits poser cette pierre pour la première de ce bâtiment par demoiselle Jeanne Jennesson, leur fille, le 13 octobre 1731“.
Ce n’est que bien plus tard que l’honorable architecte nancéien échangea ce confortable immeuble de la rue Montesquieu contre une maison, grange, écurie, usuaire et jardin y attenant, situés au Crosne, entre M. de Vitrimont et les héritiers de feu François Chabot, avec une plus-value de 18.000 livres tournois (extrait de l’article qui suit). »

Grilles depuis le jardin, propriété privée © PFD 2024
Jardin, propriété privée © PFD 2024

UN GRAND ARCHITECTE LORRAIN
Article de L’Est républicain : quotidien régional
05 janvier 1914

Nicolas Jennesson
par Emile Badel.

« Dans l’histoire de l’art et de la construction à Nancy et en Lorraine durant ces derniers siècles, quelques noms émergent de la foule des artistes et des architectes et sont encore connus du public. Tel le célèbre Boffrand, Emmanuel. Héré, Mique, Jennesson, Melin, et plus récemment Grillot, Vautrin, Morey, Humbert, etc. Trois de ces illustres Nancéiens : Boffrand, Héré et Morey, ont été honorés dans l’hodographie lorraine par une plaque bleue au coin des rues Heré de Corny, né à Nancy et mort à Lunéville dans la misère, a même sa statue, accolée plus ou moins heureusement à l’Arc-de-Triomphe, et Morey a un souvenir tangible dans la basilique Saint-Epvre qu’il a bâtie, voici tantôt cinquante ans.

Il y a quelques semaines, pendant les travaux de déménagement intérieur de l’ancienne église Saint-Pierre, désaffectée, l’Est républicain avait rappelé que les cendres de l’architecte Jennesson, fondateur de cette église, y avaient été déposées en 1756 et qu’il serait convenable de les transporter dans l’église Saint-Sébastien, œuvre du même architecte.

Vieille église Saint-Pierre © PFD 2017
Vieille église Saint-Pierre © PFD 2017

On sait, en effet, que l’ancienne église Saint-Pierre, construite de 1736 à 1737, fut élevée aux frais de Nicolas Jennesson et louée par lui à la Ville de Nancy, par bail emphythéotique, pour une durée de 99 ans. Cette église, désaffectée depuis 1906, doit être démolie pour faire place à une large avenue de vingt mètres de large — l’avenue du Docteur-Heydenreich — qui conduira directement au nouvel hôpital gynécologique, que va construire M. Bourgon, très prochainernent, au fond des vastes jardins des Missions Royales de Stanislas.

Pendant l’abandon de cette vieille église du faubourg Saint-Pierre, on a constaté avec regret la disparition de grands tableaux de valeur (de plus de quatre mètres de hauteur), œuvres intéressantes de Claude Charles. Que sont devenues ces toiles immenses ?
Comment ont-elles pu disparaître ainsi en 1913 ? Il a été impossible de le savoir. Mais les cendres de Jennesson n’avaient pas été dérobées… et la Ville de Nancy, désireuse d’honorer ce grand artiste, les a recueillies précieusement il y a peu de semaines et les a fait transporter dans l’église Saint-Sébastien, au milieu de la nef latérale de droite, un peu au-dessous de l’autel patronal. Il y avait là, en effet, dans le pavé, une dalle de marbre noir, à l’inscription effacée et qui devait déjà recouvrir une sépulture ancienne, puisque, dans une étroite cavité, on a découvert dès ossements humains.

Eglise Saint-Sébastien
Voute de l’église Saint-Sébastien, Nancy, © PFD 2024
Dalle gravée de Nicoles Jennesson, église Saint-Sébastien © PFD 2024

Jean-Nicolas Jennesson, l’habile et fécond architecte qui a bâti trois églises à Nancy, des palais, des casernes et tant d’hôtels bourgeois, durant la première moitié du 18e siècle, était né à Nancy le 26 mai 1686, sur la paroisse Saint-Sébastien.
Son père, Jean Jennesson, époux d’Elisabeth Mougenot, était déjà architecte, fils du maître maçon Jean Jennesson et de Claude Le Clerc.

Notre architecte se maria, dans la vieille église Saint-Sébastien, le 10 avril 1714, à l’âge de 28 ans, avec Jeanne Martin, ayant pour témoins Claude-Marcel de Rutant, seigneur de Saulxures-les-Nancy, capitaine aux Gardes du duc Léopold de Lorraine, et Claude Vautrin, architecte à Nancy.

C’est le 12 mai 1755, âgé de 69 ans, que l’architecte Nicolas Jennesson, qui avait le titre breveté d’architecte du roi de Pologne et de premier ingénieur depuis 1737, mourut à Nancy, au Crosne, où il résidait en dernier lieu. Son corps fut transporté à l’église Saint-Pierre, qu’il avait bâtie et qui lui appartenait, et il fut inhumé à côté de l’autel de saint Nicolas, au bas du grand escalier qui conduit au chœur.

Jennesson, très louangé de son temps par les uns, notamment par Dom Calmet dans sa Bibliothèque lorraine, fut aussi l’objet d’amères critiques, surtout de la part du virulent Chevrier dans ses Mémoires.

Cet auteur acerbe a écrit sur Jennesson ces lignes trop malveillantes :
« Jean-Nicolas Jennesson, né à Nancy, bon maçon, mauvais architecte et plus mauvais orateur encore. Le sieur Jennesson a oublié, dans le discours qu’il a prononcé au mois d’août 1752, en présence des Dames de Remiremont, cette sage maxime d’Auguste : Ne sutor ultra crepidam !
« L’église de la paroisse Saint-Sébastien tant vantée, n’est qu’un amas de pierres placées sans ordre et sans goût ; on n’y trouve ni architecture, ni proportion (sic).
Le sieur Jennesson a parfaitement saisi l’aisance bourgeoise dans ses bâtiments, mais il ignore les beautés romaines ; habile à distribuer la maison d’un particulier, je le crois, d’après les maîtres de l’art, incapable d’élever un palais ! »

On sent combien ces critiques sont injustes et portent à faux, quand on considère le beau portail de Saint-Sébastien et les nobles proportions de cette grande église qu’Emile Gerhart tenait pour la plus belle de Nancy.
Quoi qu’il en soit, Jennesson reste un des architectes qui ont le plus bâti à Nancy. Il a construit les casernes Saint-Nicolas, ou l’ancienne Tonderie ; en 1717 ; il a entrepris les bâtiments du Refuge (Maison de Secours), en 1719 ; il a élevé la fontaine monumentale des Dames du Saint-Sacrement (rue Saint-Dizier) et celle du carrefour de la rue Saint-Nicolas en 1718 ; en 1720, il a établi le chemin des Grands-Moulins au pont de Malzéville (rues Oberlin et Guilbert-de-Pixérécourt), puis il a pavé plusieurs chaussées de la ville menant au potager ducal de la rue Bailly.

En 1730, il a conduit les travaux importants de la transformation de la Cour Souveraine de Lorraine, établie sur la place Mengin, les agrandissements du Palais Ducal, etc.

Il a construit une foule de maisons bourgeoises dans Nancy et a attaché surtout son nom à la reconstruction de trois églises nancéiennes : l’église Saint-Vincent-Saint-Fiacre, qu’il édifia en 1719, et qui fut démolie en 1853 ; l’église Saint-Sébastien actuelle, de 1720 à 1731, et la vieille église Saint-Pierre, que l’on va démolir incessamment, en 1736.

Jennesson a longtemps habité le faubourg Saint-Pierre ; c’est lui qui construisit la maison Marin actuelle, à côté des Missions Royales, qui sert d’annexe provisoire à l’hôpital civil. Il y résida jusqu’en 1741, époque où il la vendit aux Jésuites ; il alla ensuite habiter au numéro 16 de la rue Montesquieu, puis au Crosne, où il mourut.

Il y a quelques années, dans l’ancienne église Saint-Pierre, on a découvert la première pierre de fondation, avec cette inscription : » D. O. M. Le mardy 24 avril 1736, j’ay été bénite par Messire Nicolas-François Petitjean, prêtre, doyen en théologie, curé de la paroisse Satnt-Epvre de Nancy, Doyen de Port, et posée pour la première pierre de cette Eglise par Demoiselle Marie-Jeanne-Etiennette-Françoise, fille du Sieur J. Jennesson, architecte des Bâtiments de S. A. R. François III, duc de Lorraine et de Bar, et de Demoiselle Jeanne Martin, son épouse, lesquels, pour rendre grâce à Dieu et implorer sa rnisérîcorde ont fait bâtir cette église pour chanter ses louanges. »
En 1738, peu de temps après la construction de cette église, Jennesson l’architecte habitait encore le faubourg Saint-Pierre ; il y figure comme contribuable dans les rôles de cette année, marié, père de trois enfants et ayant deux domestiques à son service.

L’œuvre la plus considérable de l’architecte Nicolas Jennesson à Nancy reste donc l’église Saint-Sébastien de la Ville-Neuve. La première pierre en fut posée le 29 juillet 1720 par les fils ainés du duc Léopold, Clément et François, et l’on jeta à la foule des médailles en argent — devenues fort rares — gravées par Ferdinand de Saint-Urbain, à l’effigie du duc de Lorraine. L’église ne fut achevée qu’en 1731, elle-ne coûta que 295.265 livres ; mais l’architecte, pour se faire payer ses honoraires, ou plutôt son cautionnement de 35.000 francs, intenta un procès à la ville, qu’il perdit du reste. On sait que dans cette vaste église fut enterré,, en 1778, le peintre officiel du roi Stanislas, Jean Girardet, à qui les artistes lorrains érigèrent un tombeau orné de son portrait.
Sans réclamer pareil monument grandiose pour Jennesson, on peut désirer que le nom de cet éminent architecte soit gravé sur un cartouche de marbre, près du lieu où reposent désormais ses restes, et contre l’un des pilastres de la belle église qu’il a bâtie.
Enfin, serait-il trop téméraire de demander pour Nicolas Jennesson, une petite plaque bleue à l’un des coins d’une nouvelle rue à ouvrir au faubourg Saint-Pierre, lui qui a tant bâti dans Nancy ?
La maison que Jennesson se fit construire dans la rue Montesquieu est le très bel hôtel devenu la propriété actuelle de la famille Bernard de « Jandin ». Cet hôtel a été édifié en 1731 avec les matériaux non utilisés dans l’édification de Saint-Sébastien. Au bas de l’escalier de la cave, on y lit encore cette inscription : « Le. Sieur Jean-Nicolas Jennesson, architecte des bâtiments de S. A. R. Léopold, prince de gracieuse mémoire, et de son fils François III régnant, et demoiselle Jeanne Martin, son épouse, ont faits poser cette pierre pour la première de ce bâtiment par demoiselle Jeanne Jennesson, leur fille, le 13 octobre 1731. »

Ce n’est que bien plus tard que l’honorable architecte nancéien échangea ce confortable immeuble de la rue Montesquieu contre une maison, grange, écurie, usuaire et jardin y attenant, situés au Crosne, entre M. de Vitrimont et les héritiers de feu François Chabot, avec une plus-value de 18.000 livres tournois.

Vue du grand escalier depuis le jardin propriété privée © PFD 2024
Bas relief, La Fuite en Egypte et Le Massacre des Innocents, propriété privée © PFD 2024

Telle fut la carrière brillante et féconde de Nicolas Jennesson. Il a beaucoup construit dans la ville de Nancy ; il a bâti de beaux hôtels qui sont encore l’orgueil de certains propriétaires et, avec le concours de plusieurs artistes, peintres, sculpteurs, ferronniers, ciseleurs, orfèvres, il a édifié en dix années cette grande église Saint-Sébastien, du centre de Nancy, où — après 158 ans, il vient dormir son dernier sommeil, plus heureux que Jean-Lamour, Héré, Jacquard, Saint-Urbain et tant d’autres artistes lorrains, dont les cendres ont été jetées au vent ou sont confondues dans les ossuaires de nos modernes cimetières. »
Emile Badel.

Hêtre pourpre multi centenaire, propriété privée © PFD 2024

Quelques uns des bâtiments de Jennesson qui ont survécu :

  • hôpital Marin, 92 Av. du Maréchal de Lattre de Tassigny,
  • Maison des Sœurs Macarons également appelée maison Grisot ou hôtel de Gormand, rue des Sœurs Macarons,
  • vieille église Saint-Pierre,
  • bâtiments du Refuge (Maison de Secours), maison hospitalière Saint-Charles, rue des Quatre-Eglises,
  • église Saint-Sébastien,
  • orphelinat de jeunes filles dite Maison des orphelines Sainte-Elisabeth puis orphelinat et école Sainte-Elisabeth actuellement lycée privé Charles de Foucauld – l’établissement est géré par une communauté de femmes unies par des vœux simples formant la congrégation des Orphelines de la Sainte-Famille de Nancy, nommées soeurs de Sainte-Elisabeth. Les premiers travaux ont lieu entre 1720 et 1722 sous la direction de Jean-Nicolas Jennesson (1686-1755), le chantier reste inachevé ce qui provoque un litige avec l’architecte, qui est remplacé par Timothée Gentillatre (1689-?) en 1725, date à laquelle démarre la construction de la chapelle.
  • hôtel particulier rue Montesquieu.
Essai de feuillage, aquarelle © PFD 2024

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