Pour célébrer l’avancement de mon nouvel opus sur la sculptrice Marie-Anne Collot, voici une étude sur les jeunes filles du peuple au XVIIIe s.
Il semblerait que l’utilisation du mot grisette, pour désigner une femme du peuple qui travaille, soit apparu vers la fin du XVIIIe siècle. Louis-Sébastien Mercier (1740-1814) semble être le premier à les désigner ainsi.
Dans ses Tableaux de Paris, Mercier déconstruit le mythe d’une femme du peuple du XVIIIe s. grossière et sans éducation.
Il raconte que les jeunes filles pauvres, obligées de travailler pour vivre, sont plus libres que les filles de la bourgeoisie et de la noblesse.
Vives, libres de ton, elles se déplacent et circulent autant que les hommes et leur capacité à gagner leur vie forcent l’admiration.
On les surnomme les « grisettes » en raison de leurs vêtements gris de modeste qualité.
Nullement prisonnière des conventions, elles seraient libres (selon Mercier) de choisir leur amant ou leur mari. Mais dans un contexte de grande précarité, s’établir reste une nécessité et, souvent séduites avec promesse de mariage, nombre d’entre elles sont abandonnées par des amants volages.
Les archives de police du XVIIIe s. regorgent de plaintes de femmes enceintes abandonnées qui veulent retrouver leur honneur. Ces archives, étudiées par l’historienne Arlette Farges, témoignent qu’il existe, pour les deux tiers de ces plaintes, un écart d’âge entre les hommes et les femmes de 10 à 30 ans, les femmes ayant entre 15 et 22 ans. Un tiers d’entre elles sont séduites par des hommes d’un statut professionnel plus élevé, maître, artisan, notaire, avocat. Ces relations sont gardées secrètes pour préserver la réputation des jeunes filles.
Ce terme, qui n’est absolument pas péjoratif au XVIIIe siècle, le devient au XIXe s., laissant sous entendre qu’une femme libre est une femme qui vit dans la débauche, évidemment !
La grisette la plus connue du XXe siècle est Garance, jouée par Arletty, dans Les Enfants du Paradis. Son vrai nom est Claire, “claire comme de l’eau de roche“.
Sous la plume de Prévert, Garance est une grisette libre et sensible, prise au jeu des apparences et de l’argent.