(Petites histoires autour d’un château haut-marnais détruit au tout début du XXIe siècle.
La première est inspirée du destin passionnant de M. Godard, raconté plus précisément ci-dessous dans un témoignage de l’une de ses descendantes.)
Printemps 1793, vers 18h, un carrosse chargé de bagages et dont les chevaux galopent à brides abattues, arrive dans un petit village de Haute-Marne à 37 kilomètres de Langres.
A son bord, brinquebalée de gauche à droite, la petite famille du Maître horloger du roi Louis XVI, soit Jean-baptiste Godard(1) avec son épouse Marguerite et ses deux enfants, Victoire 6 ans et Gabrielle 4 ans. Les grilles ouvragées d’un joli château de campagne s’ouvrent pour accueillir la petite famille de l’horloger.
En 1791, soit deux ans auparavant, Jean-baptiste Godard et sa famille habitait un hôtel particulier rue Sainte-Avoye à Paris, l’horloger était au côté du roi dans la “fuite de Varenne”, pendant la Révolution.
Depuis Langres, où Jean-Baptiste Godard a acheté une horlogerie, la famille arrive enfin au petit village de Courcelles-Val-d’Esnoms. Le père de famille vient d’y acheter, à Henry de Rançonnière(2) et pour 15 000 livres, une fière demeure qui devient leur maison principale.
De beaux jours se profilent pour la famille Godard, et trois filles naissent bientôt à Courcelles-Val-d’Esnoms. Lucrèce nait en 1793, puis Zaïre-Marie en 1795 (Zaïre est baptisée clandestinement sous le nom de Marie (elle le revendiquera quelques années dans son acte de mariage (3)) et enfin la cadette, Émilie, nait en 1799.
Les cinq filles de l’ancien horloger de Louis XVI grandissent dans le havre de paix qu’offrent la maison et ses dépendances et elles se marient toutes dans leur petit village d’adoption.
Victoire épouse Hubert Sainctot, Gabrielle se marie avec Nicolas Collinot, Lucrèce avec Etienne Gilbert, Zaïre avec Nicolas Mathey, chevalier de la Légion d’honneur, et enfin la cadette Emilie devient l’épouse de Joseph Frèrejacques.
Leur père Jean-Baptiste décède en son château de Courcelles-Val-d’Esnoms en 1818, à l’âge de 77 ans.
Le château et ses dépendances reste dans la famille, vendu ensuite en 1820 pour 7 000 francs à des Marie-Zaïre et son mari. Laissé à l’abandon et il est entièrement démoli en 2006.
LES DEUX CHATEAUXMais le château de Courcelles n’a pas toujours été aussi paisible que sous l’ère de la famille Godard. En effet, au milieu du XVIIIe siècle, son propriétaire précédent (et aussi constructeur), Henri Leclerc de Rançonnière, se dispute violemment avec son proche voisin, monsieur Jourdeuil, propriétaire du château de Chatoillenot pour une histoire de borne placée suivant les dires de chacun du mauvais coté et leur soustrayant un peu de terrain (relativement réduit puisqu’il s’agit d’une borne de quelques dizaine de centimètres seulement).
Cette querelle de voisinage engendre un procès qui fera les gorges chaudes de la Jet-Set de l’époque car les propriétaires sont dit-on des « nobles de fraîche date ».
Denis Diderot lui-même se fera l’écho de cette étrange histoire en la rapportant dans son conte « Les amis de Bourbonne ».
“A Courcelles-Val-d’Esnoms, monsieur Henri Leclerc de Rançonnières avait pour voisin « un certain monsieur Jourdeuil, conseiller au présidial de Chaumont. Les deux maisons, l’une à Courcelles, l’autre à Chatoillenot, n’étaient séparées que par une borne ; cette borne gênait la porte de M. Leclerc de Rançonnières, et en rendait l’entrée difficile. M. Leclerc de Rançonnières la fit reculer de quelques pieds du côté de M. Jourdeuil ; celui-ci renvoya la borne d’autant sur M. Leclerc; et puis voilà de la haine, des insultes… ».
1 – Jean-Baptiste GODARD (1741-1818), ancien horloger du roi Louis XVI, propriétaire de Courcelles-Val-d’Esnoms. Epouse Marguerite VIDOT (1760-1846). Père : Etienne GODARD le Jeune, Laboureur, chaufournier. Grand-parents : Étienne GODARD 1673-1743 (Vigneron.) et Pierrette GOURIER 1674-1734.
2 – Chateau de Courcelles-Val-d’Esnoms construit par la famille de Henri Leclerc de Rançonnières, petit-fils d’un marchand de Chaumont, fils d’un homme d’affaires entreprenant, enrichi dans les fermes du roi (Claude Leclerc, né vers 1646, inhumé à Langres le 8 février 1729) dont le père avait acheté une charge de secrétaire du roi.
3 – Fin de l’acte de mariage de Zaïrre Godart
Les châteaux haut-marnais (et sans doute au-delà) de la fin du XVIIIème ont souvent « un air de famille »…tant sur le plan architectural que dans l’atmosphère qui en émane…
Bonjour,
Le propriétaire du château de Chatoillenot à cette époque est la Famille Desserrey. Nicolas le père, et Jehan, le fils, sont conseillers du roi au bailliage de Langres dans la première moitié du 18e (La femme de Jehan est une Colette Godard.) Le petit fils de Jehan construira en 1777 le château que vous illustrez (Source Th. Pistollet de St Ferjeux, in Cahiers Haut Marnais, 1948, p 183). En outre, le château est de l’autre coté du village par rapport à Courcelles. Il doit s’agir d’un autre propriétaire de Chatoillenot.
Bonjour,
Ma question a un rapport très indirect avec cette histoire, intéressante au demeurant. Sait-on qui habitait ou était propriétaire du château de Chatoillenot en 1934 ? Et était-ce la même famille de propriétaires jusqu’en 2020 ? Un tableau peint par un ancêtre à cette période s’y trouvait lors de la vente aux enchères du 28 juin dernier. J’aurais eu plaisir à retrouver l’histoire de ce tableau.
Bonsoir, merci pour votre message, je m’intéresse plus particulièrement à l’histoire au XVIIIe siècle et je n’ai malheureusement pas d’autre info concernant votre question. Les archives départementales de la Haute-Marne sont très fournies, peut-être existent-ils des documents concernant les propriétaires de ce château début XXe ?
Bien amicalement
Pascale
En 1934 les propriétaires étaient le Comte et la comtesse de Montangon. La propriété venait du père de sa femme, le Lt Colonel Gaston Pistollet de Saint Ferjeux.
Bonjour,
Je suis une arrière arrière petite fille de Godard, par Zaïre-Marie. Le tableau est toujours dans la famille restée à Courcelles-Val d’Esnoms. Les terres qui allaient avec le château, aussi. Les dépendances aussi. Depuis la destruction du château en 2006, une partie des dépendances a été transformée en coquette habitation.
Ci-dessus, le récit comporte quelques distorsions… Le château a été acquis par Nicolas et Zaïre-Marie Mathey; il est donc resté dans la famille et l’est toujours… Le couple a versé 7000F… et remboursé les dettes de Godard, plus doué pour l’horlogerie que pour l’agriculture (son exploitation / château + terres a fait faillite et c’est en mariant très bien Zaïre-Marie qu’il s’en est sorti).
D’autre part, Godard, son épouse et ses 5 filles n’ont pas souffert de la Terreur. Le château ne leur a pas été un refuge; Godard a suivi le Roi dans sa fuite à Varennes et s’est prendre à la hauteur de Gray, ce qui tombait bien pour lui puisqu’il était natif de Chargey-les-Gray. Il a alors acheté une horlogerie à Langres où il a pu grossir sa fortune, pouvant acheter un château et des terres. Ensuite, faillite. Gendre fortuné. Descendants grands travailleurs qui mènent toujours l’exploitation de mains de maîtres et qui se mettent au service des collectivités, dont la mairie et le département, suivant ainsi l’exemple de Godard (Ben oui, il a été responsable du Comité révolutionnaire du coin en appliquant consciencieusement les règles révolutionnaires) et l’exemple du bonapartiste Mathey chevalier de la Légion d’honneur (mairie etc).
De cette branche, de nos jours, il y a une figure: c’est la Raëlienne Brigitte Boisselier dont la maman Missette est encore au “château”. Son papa Maurice descendait aussi de Zaïre-Marie et a exploité les terres, fait de l’élevage… La suite est assurée, avec toujours des Boisseliers descendants de Godard.
Au revoir, cousin
Bonjour et merci pour vos précisions sur la famille Godard ! C’est génial !
Je me rends compte comment, de fil en aiguille, on peut romancer une histoire qui est déjà à l’origine extraordinaire !
Je l’ai un peu adaptée, et surtout je vais ajouter “cette histoire est inspirée du destin passionnant de M. Godard, raconté plus précisément dans le témoignage ci-dessous par l’une des ses descendantes.”
Bien amicalement
Pascale
Le château était la propriété de la famille Pistollet de Saint Ferjeux dont la fille mariée au comte de Montangon résidait encore à Chatoillenot en 1948. Des descendants ont vendu le bien dans les années 1980 à une artiste allemande qui a dispersé sa collection le 28 juin dernier.
Merci à vous pour ces informations complémentaires, ce site est participatif et vos renseignements répondront à la question précédemment posée.
Bonne soirée
Pascale
Bonjour,
Je suis un arrière arrière petit fils de cet horloger, savez-vous où est ce tableau à présent ?
Cordialement,
Adrien
Bonjour, ravie de faire votre virtuelle connaissance, de quelle branche descendez-vous ?
Je n’ai malheureusement pas plus d’informations concernant ce tableau qui semble être resté dans le château jusqu’à la vente de celui-ci. Vous pouvez peut-être vous rapprocher du manager de ce site Un ancêtre illustre, qui fait partie des sources grâce auxquelles j’ai pu reconstituer cette histoire :
http://me.le.free.fr/Image/des_ancetres_illustres.htm
http://me.le.free.fr/heredis/accueil.htm
Bonjour Pascale,
Merci pour votre retour, le site que vous m’avez donné ne fonctionne plus malheureusement.
Auriez-vous une autre piste ?
Merci bonne journée
Adrien
Bonjour Adrien,
Effectivement les liens free sont cassés, mais après une petite recherche, j’ai trouvé ces informations complémentaires : c’est un post FB daté de 2016 et provenant de M. Pierre-Olivier Leroy.
Il est présent sur FB, vous pouvez peut-être le joindre ?
Bien cordialement
Pascale Fourtier-Debert
[2/3 RÉTRO 1989] Parallèlement à l’hommage public rendu à l’Abbé Nicolas BLANCHARD (1756-1793) [1] dans le cadre des cérémonies du #Bicentenaire52 de la Révolution française en

#HauteMarne52

, notre famille a également célébré en 1989 le souvenir d’un autre aïeul direct, le sieur Jean-Baptiste GODARD (1741-1818), natif de Haute-Saône (70), Maître-Horloger de Louis XVI (1754-1793) établi rue Sainte-Avoye, paroisse de Saint-Merri, à Paris [2].
Serviteur de la chambre du roi au cœur des événements de la Révolution, fidèle parmi les fidèles, Jean-Baptiste GODARD sera arrêté à Varennes (55270) avec la famille royale le 21 juin 1791 lors de leur fuite des Tuileries vers la place forte de Montmédy (55600). Finalement gracié par Maximilien de ROBESPIERRE (1758-1794) au motif que son épouse, Marguerite VIDOT (1760-1846), était alors enceinte, il ne quittera la capitale qu’en 1793, après l’exécution du roi (21 jan.), pour mettre en sécurité son épouse de nouveau enceinte et deux filles, Viéloire/Victoire (1787-?) et Anne (1789-1846).
Arrivés par la malle à Langres (52200), Jean-Baptiste GODARD se mettra immédiatement à la recherche d’une propriété dans les environs, et achètera pour 15 000 livres « de prix principal et pour toute chose » le château de Courcelles-Val-d’Esnoms (52190) [3]. Le 6 prairial de l’An II (25 mai 1794), il tient commerce comme horloger à Langres. Cet événement marque l’ancrage définitif en Haute-Marne de la branche paternelle BOISSELIER-BLANCHARD par ma grand-mère Perlette (1917-2004).
Marguerite VIDOT, épuisée par le voyage de Paris à Langres, y mettra prématurément au monde Lucresse (1793-1861) ; deux ans plus tard naîtra Zahir, dite « Marie Zayrre » [4], puis Jeanne en 1799 (†1853). Zahir épousera le 30 mars 1818 à Courcelles-Val-d’Esnoms Nicolas MATHEY, né le 7 mars 1787 à Rivière-les-Fosses (52190), blessé dans les guerres napoléoniennes, ancien sergent au 6ème Régiment de Tirailleurs de la Garde impériale, membre de la Légion d’honneur. Le couple aura six enfants, dont Anne « Nanette » (1824-1898), mariée le 26 février 1851 à Étienne BOISSELIER (1820-1886). De cette union, naîtra Théophile BOISSELIER (1855-1948), le grand-père de ma grand-mère Perlette par lequel nous connaissons aujourd’hui l’histoire de Jean-Baptiste GODARD à travers ses mémoires.
Pour marquer cet événement familial du Bicentenaire de la Révolution française, les BOISSELIER-BLANCHARD feront réaliser une assiette commémorative à la mémoire de Jean-Baptiste GODARD, éditée par la Faïencerie Dautrey à Langres…//…
[1] https://www.facebook.com/poln52000/posts/1024845764293135/
[2] Aujourd’hui partie de la rue du Temple, entre la rue Saint-Merri et la rue des Haudriettes.
[3] Vendu le 8 novembre 1820 par licitation, après le décès de Jean-Baptiste GODARD, pour 7 000 francs (or ?). Démoli au printemps 2006, il ne reste plus aujourd’hui du château de Courcelles-Val-d’Esnoms que quelques pierres.
[4] Lors de son mariage, ajoute : « Je déclare que je veux ajouter au prénom de Zayrre relaté dans mon acte de naissance le prénom de Marie qui m’a été donné dans mon baptême administré clandestinement dans la Révolution et je signerai désormais Marie Zayrre GODARD ».
Moi aussi …mon père s appelait jean marie Engel .la famille de sa mère :Vautrin (des filles Marie , Alice)c’est par elles que je remonte à ce fidèle horloger du roi Godart.
mon père était né a Guyonvelle pas loin!
Et si on entrait en contact?
Elisa 0666409498
Bonjour à tous, Je réponds un pu tardivement à mes messages, en raison d’un petit souci de messagerie mais merci à vous tous pour vos commentaires.
Je vous souhaite une belle rentrée !
Bonjour,
Merci pour votre retour. Je fais partie de la branche Jannaud.
Cdt
Adrien
Mon arrière grand-père Léon Boisselier et mon arrière grand-mère ont habité ce château jusqu’au décès de cette dernière en 1997. Je vous recommande de contacter ma grand-mère Marie Anne Boisselier qui vit toujours à Courcelles pour avoir des détails sur tout ce qui concerne cette partie de l’histoire du château (20ème siècle) .
Bonjour, merci de votre message et de vos informations complémentaires qui enrichissent cet article. Et merci du contact.
Bien amicalement, Pascale Fourtier-Debert
Bonjour,
De qui est la peinture de Monsieur Godard ?
D’où provient-il ?
Merci pour ce bel article détaillé !
Michel