(une aventure originale et “piquante” vécue par Mme de Graffigny en septembre 1752)
« Je vais a ma garde-robe [WC]. Je ne sens et ne me doute de rien. Je fais un tour dans ma chambre, rien. Enfin je veux m’assoir, et je sens au bout du gros doigt du pied gauche une douleur si vive que je tombe sur mon fauteuil. La douleur augmente. Je crie miséricorde. Je sonne. Marie vient. J’ôte ma pantoufle et je vois une guêpe cramponnée au bout de mon doigt qui me pique tant qu’elle peut. Voici apparemment comme cela s’est-fait. J’avois eu mes pieds hors de mes mules pendant qu’il y avoit du monde. La guêpe s’étoit fourrée dans ma mule et me mordit quand je la pressai. Mais pourquoi ne le fit-elle pas pendant les tours que je fis dans ma chambre et dans ma garde-robe ? C’est qu’elle vouloit que je poussasse sa patience a bout. Tant y a qu’elle m’a fait bien du mal, que j’ai le doigt fort enflé et fort rouge, et que je ne puis poser le pied a terre qu’avec bien de la peine. J’y ai mis d’abord du persil broyé. C’est, dit-on, le remède. A présent j’y mets d’un onguent d’André qui ôte le feu comme avec la main. Je suis persuadée qu’il n’y paroitra plus ce soir.
Graffigny (Françoise de). Correspondance de Mme de Graffigny. Oxford, Voltaire Foundation, 1985-2016. 15 vol.
Illustration : Grandville. Deux guêpes en guerrier. 1842. Collection du musée des Beaux Arts de Nancy
On va « à la garde-robe », c’est-à-dire là où est placée la chaise percée.