Je tenais à vous raconter cette histoire peu banale…
Il y a quelques temps, mon frère me confia une enquête à faire sur un étrange objet qu’il avait trouvé sur un vide-grenier.
L’objet assez lourd, ressemblait à un pommeau de canne ou un cachet, et il était orné de huit têtes de singes grimaçantes surgissant de plusieurs petites lucarnes.
Mal dégrossi, il était en vérité assez moche mais très énigmatique.
Après de nombreux mois d’enquête et de recherche, il s’avère désormais que cet objet est une étape de fabrication de la “fameuse canne aux singes” commandée par Honoré de Balzac à l’orfèvre Froment-Meurice. L’écrivain voulait l’offrir au gendre de Mme Hanska, sa future épouse, et il en parle beaucoup dans sa correspondance, s’impatientant de la lenteur de l’orfèvre qui a sans doute du mal à la réaliser (d’où cette étape de fabrication). Après de longs mois d’attente, Balzac n’est pas satisfait du résultat final et ne veut plus de sa canne…
Ce “pommeau aux singes” a été expertisé et authentifié par le directeur de la maison de Balzac à Paris et par une conservatrice du Louvre. Il illustre donc parfaitement les difficultés rencontrées par l’orfèvre parisien pour réaliser ce pommeau imaginé par Balzac et dessiné par Jules Cavalier. Il a servi peut-être à des essais de recherche pour trouver un alliage de différents métaux. Cette étape de fabrication, comportant des manques, est abandonnée avant le travail de ciselure.
Cet insolite objet trône désormais, avec toute son histoire, dans une vitrine de l’Aristocanne, musée de la canne, à Porto Vecchio, en Corse. Si vous passez par là…
Une canne aux singes, finalement réalisée et portant les initiales EVA, est exposée dans la Maison de Balzac. Quant à la canne aux singes qui “aurait” été offerte par Balzac à Georges Mniszech, gendre de Mme Hanska, elle “serait” au musée Victor Hugo et porte étrangement les initiales d’Auguste Vacquerie, beau-frère de Léopoldine Hugo.
Balzac l’a t’il finalement offerte à Georges Mniszech ? Rien n’est moins sûr.
Correspondances de Balzac
En septembre 1845, Honoré de Balzac passe commande à Froment-Meurice d’une canne au
pommeau sculpté de singes qu’il compte offrir en cadeau à Georges Mniszech, futur gendre de
Madame Hanska.
Au début Balzac est enthousiaste et écrit les 12 et 13 septembre :
« la canne ne coûtera guère que de quatre à cinq cent francs. Elle sera délicieuse. »
A l’orfèvre il écrit « mon cher Aurifaber, je vous remercie de votre canne aux singes, qui est d’une perfection inouie, et digne de vous. »
Mais, rapidement, il s’agace de la lenteur de l’exécution de l’orfèvre écrivant le 10 janvier 1846 « au
bout de six mois, une malheureuse pomme de canne n’est pas faite, c’est ce que j’appelle l’escroquerie morale ».
La canne est finalement livrée en mars 1846 mais ne remporte aucun succès.
Le 30 mai 1846, Balzac écrit à Madame Hanska : « Froment-Meurice est instruit de l’insuccès de sa
canne, il en fera un cachet, et mettra une pomme de fer sculpté à la canne. »
Illustration de couverture : Balzac vu par Daumier